Prisoners

Réalisé par Denis Villeneuve, 2013

Durée : 02h33

Le thriller est un genre inépuisable aussi bien au cinéma qu'en littérature. Censé créer chez le spectateur une certaine forme de tension et de peur, le thriller se doit de posséder un scénario intelligent et surtout imprévisible pour faire en sorte que toute l'histoire ou presque s'explique dans les derniers instants. Ces dernières années rares furent les films qui ont réussi à conjuguer tout cela avec brio. Dans les années 90 / 2000 certaines oeuvres sur le thème de la recherche d'un serial-killer se sont démarquées comme le culte Seven mais aussi Mystic River, Zodiac ou Memories for Murder.

Dans son scénario de base Prisoners n'a rien d'innovant. Un père qui a vu sa fille disparaitre est à la recherche du ravisseur de façon frénétique et violente tandis qu'un agent de police poursuit le même but mais avec des méthodes "légales". Son pitch initial est bien la seule chose qui semble classique dans Prisoners car tous les autres aspects sont travaillés, étudiés et détaillés. Le réalisateur canadien nous propose une réelle et envoutante étude de caractère, bien aidée par l'interprétation saisissante d'un Hugh Jackman méconnaissable. Visage amaigri et marqué, look d'américain moyen et personnalité à fleur de peau, l'acteur australien est bien loin de ses rôles de beau-gosse body-buildé ou de super-héros. Tout comme Ben Affleck ou Matthew McConaughey récemment, Hugh Jackman dévoile une sensibilité et une profondeur de jeu qu'on ne lui connaissait pas. Chaque spectateur peut s'identifier dans ce rôle de père déchiré par le chagrin et la colère qui va jusqu'à commettre des actes impensables pour retrouver sa petite fille. A ses côtés Jack Gyllenhaal est très sobre en policier tout en dévoilant un personnage isolé très intéressant. Son rôle n'est d'ailleurs pas sans rappeler celui du journaliste dans Zodiac. Denis Villeneuve parvient à créer un véritable trouble psychologique tout au long du film et surtout maintient le suspense intact de la première à la dernière minute. Très sombre et froid, ce long-métrage enveloppe le spectateur dans une étreinte morbide qui laisse planer un doute constant. A ce titre le réalisateur réussit la prouesse de constamment nous balader entre fatalité, effroi et espoir. Même si certaines ficelles du scénario peuvent être élucidées tôt dans le récit par les spectateurs les plus imaginatifs, la mise en scène et la multiplication des pistes rendent le récit haletant et jamais ennuyeux. Un dernier mot concernant Paul Dano qui excelle dans la difficile interprétation d'un jeune attardé. Comme pour le climat général du film, son personnage fait naitre à tour de rôle le dégout, la peur et la pitié chez le spectateur.

Parvenant à transcender un scénario pourtant banal , Denis Villeneuve réussit à filmer un grandiose thriller psychologique qui ballade littéralement le spectateur et nous fait passer par toutes les émotions. A l'aide d'un duo d'acteurs remarquable, Prisoners nous plonge dans un récit sombre et quelque peu fataliste et propose une étude de caractère comme nous en avons rarement vu au cinéma à travers le personnage de Hugh Jackman. Très intense (notamment la déchirante scène de reconnaissance des vêtements d'enfants au commissariat), l'histoire bien qu'un peu désordonnée par moment se révèle passionnante et saisissante et, chose rare, le suspense est entier du début à la fin. Une tension omniprésente, des acteurs surprenants et une mise en scène étouffante, Prisoners est bien l'un des meilleurs films de l'année et l'un des tout meilleurs thrillers des années 2000.

Les + :

• Hugh Jackman, fascinant, mais aussi Jack Gyllenhaal et Paul Dano
• Le développement psychologique brillant du protagoniste principal
• L'ambiance générale et la mise en scène

Les - :

• Un scénario finalement classique dans sa trame principale

Note : 8 / 10