Cloud Atlas

Réalisé par Lana et Andy Wachowski & Tom Tykwer, 2013

Durée : 02h45

Il existe des oeuvres cinématographiques éminemment complexes qui laissent le spectateur dans une certaine stupeur une fois le générique de fin terminé. Ces films laissent le soin au spectateur de rassembler lui-même les pièces du puzzle pour essayer d'en tirer une logique. Quand ce processus est bien huilé cela donne une sensation grisante de relecture dans sa tête et une envie pressante de revisionner le film pour en saisir toutes les subtilités. Ce fût le cas récemment avec Inception, Shutter Island ou Looper et avant cela avec L'armée des 12 singes par exemple. Que des excellent films voire des chefs-d'oeuvre. Cloud Atlas va-t-il suivre cette veine avec autant de talent ?

Ce type de film (Inception, Looper, l'armée des 12 singes) a pour dénominateur commun de suivre plusieurs univers parallèles, que ce soit dans des strates de rêve pour le premier ou dans le temps pour les deux suivants. Cloud Atlas va encore plus loin. Il est difficile d'expliquer la mécanique de ce film sans en révéler trop sur le scénario mais pour résumer ce film suit la destinée de six personnages à travers cinq siècles et six dates différentes. Il va tenter de nous montrer en quoi nos décisions et nos actes sont importants pour notre avenir, celui de notre entourage et pour notre future...réincarnation. Car oui cette oeuvre est basée sur ce concept de la réincarnation. Pour preuve nous retrouvons à chaque époque différente les même acteurs mais maquillés différemment : ils ne sont que la réincarnation d'un autre personnage d'une autre époque. Ce qui fait le génie de ce film est la cohérence et l'imbrication remarquable de tout le scénario. En effet entre chaque personnage et chaque époque il y a toujours un lien : un journal de bord écrit en 1849 sur un navire est lu par un autre protagoniste en 1936, l'oeuvre musicale composée par ce dernier est écoutée par un autre en 1973 etc... Chaque scène, chaque détail, chaque dialogue possède son intérêt et permet de mettre en place ce gigantesque puzzle. Autre point commun entre les époques et les histoires, chaque "héros" va se battre pour une minorité contre ses oppresseurs. A ce niveau le film est remarquablement ancré dans les réalités de chaque époque. Ainsi en 1849 le protagoniste va lutter seul contre l'esclavage en Amérique du nord, en 1936 il est homosexuel et se présente donc bien seul face à l'idéologie nazi de l'époque qui régnait en Allemagne etc. Et ceci jusqu'en 2144 où c'est un clone qui va se rebeller contre sa situation en Corée et même en 2321 sur une Terre dévastée. Les thèmes abordés ont rarement été aussi variés et nombreux pour un seul long-métrage. Il est question de réincarnation donc, mais aussi de karma, de lutte des classes, de dérive de la société capitaliste, des droits de l'homme, d'amour bien sûr et de tellement d'autres sujets intéressants que je  vous laisse la surprise de les découvrir.

Cloud Atlas est un film extrêmement ambitieux et remarquablement filmé. Le groupe de réalisateurs (ils sont trois) passe constamment d'une époque à une autre mais sans avancer de manière temporelle. Le récit ne se déroule pas suivant l'espace-temps mais bien selon un découpage incroyable qui permet au spectateur de naviguer sans cesse. Perturbant dans les premières minutes, ce découpage prend tout son sens et sa force dans une dernière heure fabuleuse. Une scène démarrée en 2012 où le héros est sur le point d'échouer dans sa quête peut se conclure en 1936 où un autre personnage va quant à lui la réussir. Même si les histoires sont différentes, les parallèles trouvées dans la réalisation sont prodigieuses. Bref je pourrais passer des heures et des pages à vous décrire toute la maestria de la réalisation et toute la profondeur de lecture de Cloud Atlas mais il ne faut point trop en révéler. Les acteurs sans être transcendants sont tous bons. Tom Hanks est sérieux, Halle Berry impeccable et Hugh Grant surprend dans des rôles de bad guy. Le film tourne également autour du "Cloud Atlas Sextet", symphonie composée en 1936 qui rythme toute la deuxième partie du film. Un dernier petit mot pour conclure sur les superbes effets-spéciaux notamment dans les séquences à Séoul en 2144 qui rappellent Le cinquième élément ou Blade Runner. Rien de plus logique venant des réalisateurs du culte Matrix.

Cloud Atlas regroupe tout ce que le cinéma peut apporter aux spectateurs. Il transporte dans plusieurs époques différentes, interroge sur le déterminisme et la portée de nos actes, offre un grand spectacle assaisonné d'effets spéciaux réussis, de costumes et de maquillages au top tout en se permettant de nous faire proposer une lecture intelligente de la totalité. Un film totalement atypique et audacieux qui tire sa force dans une réalisation inventive et un montage totalement fou mais terriblement grisant. J'ai rarement vu au cinéma une oeuvre aussi riche, aussi inventive et surtout aussi cohérente. Après réflexion c'est incroyable de voir que tout s'imbrique parfaitement et que chaque scène en influence une autre, c'est tout bonnement génial. Cloud Atlas est un chef d'oeuvre du genre, un grand film original, ludique et tout simplement génial.

Les + :

• Les décors, les costumes, les maquillages etc. Du jamais-vu dans un seul film
• Le scénario, le montage, les effets spéciaux
• La cohérence incroyable d'un film pourtant très casse-gueule
• Les enjeux propres à chaque période et la réflexion qui en découle

Les - :

• Certains petits points qui ne trouvent pas de réponse

Note : 8,5 / 10